Balzac, candidat de téléréalité?

Amazon travaille sur un « projet d’édition participative », qui proposera aux lecteurs de voter pour les livres qu’ils souhaitent voir publier dans son catalogue numérique. Les auteurs devront soumettre des textes inédits et, pour les sélectionner, les internautes devront se décider d’après la seule première page.

Lire la première page d’une œuvre suffit-il à décider si elle mérite ou non d’être lue en entier ? Vraie question. On connaît l’importance de l’incipit (ou première phrase) d’un roman ; mais la première page est rarement représentative de tout ce qui va suivre. Même les lecteurs de manuscrits dans l’édition ont coutume d’en lire davantage, ce qui ne les empêche pas de se tromper. Et c’est leur métier de distinguer le bon grain de l’ivraie – ce qui n’est pas le cas des internautes.

Autre question : une opinion majoritaire a-t-elle la moindre valeur en matière artistique ? Pur non-sens, à mon avis.

Puisque nous en sommes là, pourquoi ne pas voter aussi contre une œuvre ? Pourquoi se priver du plaisir de sortir du catalogue le titre ou l’auteur qui n’a pas l’heur de plaire ? Ouste, dehors le désuet Balzac, du balai l’ennuyeux Proust, à bas l’obscur Mallarmé ! Le pouce baissé, infligeons-leur le même sort qu’à un vulgaire candidat de téléréalité.

Décidément, les voies du progrès sont impénétrables.